Tuesday, May 03, 2011

Une histoire triste

Je n'ai pas trouvé d'autres titres pour raconter Moussa, qui ne s'appelle pas Moussa en réalité, mais Moussa, c'est un prénom que j'aime bien, et c'est celui d'un autre petit garçon que j'ai connu, à la vie pas marrante non plus.
Il a 6 ans à peine, c'est l'un des 23 petits élèves de ma classe de grande section.

Il crève de faim, en a pleuré une ou deux fois en voyant les autres manger leurs biscuits à la récréation du matin (on en avait de réserve dans la classe, heureusement), se rue sur la nourriture quand il s'en présente (goûter d'anniversaire, carnaval).
Il porte toujours les mêmes vêtements, vraiment toujours, le même pull depuis que j'ai commencé début mars. Les mêmes chaussettes dépareillées, des chaussettes de fille. Des chaussures trop petites, trouées, qu'il perd en jouant au foot parce qu'elles n'ont pas de lacet.
Un matin, ses vêtements étaient mouillés, il nous a expliqué que sa mère venait de les sortir de la machine à laver et ne les a donc pas fait sécher avant de les lui refaire porter.

Voilà, c'est Moussa. Toute la misère qu'on imagine. A 10 ou 12 dans un petit appartement, le papa est parti, on se sert avec les cousins.
Moussa, qui, certains jours, laisse la violence avoir le dessus. C'est rare, heureusement.
Moussa, élève brouillon, nerveux, impulsif, mais bon élève, étonnant même.
Moussa, qui, vendredi, a dessiné des nuages de toutes les couleurs, des nuages qui souriaient.

C'est sa soeur qui vient le chercher, le soir. Elle a 9 ans.
Hier, je vois sa maîtresse passer, tous ses élèves étaient sortis, où est donc la grande soeur?
Dans le bureau du directeur, on fait une remontée d'incident, elle était revenue avec un couteau, l'après-midi, pour régler ses comptes avec un camarade.
J'aurais aimé resté, ne pas laisser Moussa comme ça, mais j'avais un bus à prendre, j'avais hâte de retrouver les miens. J'ai laissé la grande caisse de Kapla à Moussa, et puis des biscuits, et mon atsem lui a filé une sucette. Il est resté à côté du bureau du directeur, ne comprenant pas trop, les gâteaux dans une main, les Kapla dans l'autre.

Je revois ce petit bonhomme, si petit, si fragile.. Je suis en colère contre ce monde, contre tous ceux qui empêchent les petits Moussa et leurs grandes soeurs de 9 ans (9 ans, c'est si petit aussi!) de grandir normalement. En colère, et inquiète aussi. Dans ce monde où peu de choses lui sont épargnées, que deviendra-t-il?

9 comments:

Mamanlit said...

J'ai un peu les boules en te lisant là...alors je me dis qu'à vivre, ça doit être encore plus dur. De ne pas/plus savoir comment tourner le problème.

Bismarck said...

Pff, crotte crotte crotte. Et bien sûr, si on signale ça aux services sociaux, les enfants vont être placés séparément.
N'y a-t-il pas moyen d'orienter cette famille vers une aide intelligente?

Anonymous said...

Il y a une procédure légale qui s'appelle Information Préoccupante à faire remonter au Conseil Général au titre de la protection de l'enfance en danger (loi de mars 2007). Votre responsabilité peut être engagée, à vous comme au directeur de votre établissement si vous restez sans rien en dire.

Sosso said...

Tiens moi c'est de Mariam, dont j'avais parlé. Parcours pas facile non plus, mais une résilience à toute épreuve!

Moi, ils forcent mon admiration ces petits!

Sophie said...

le pire oui est de ne pas pouvoir réellement agir le plus souvent... ici aussi nous avons une famille qui nous fait mal au coeur, la situation est loin d'être aussi difficile pourtant, c'est surtout un manque total d'hygiène, les enfants et les parents ne portent que des vêtements sales, et c'est difficile d'intervenir, il n'y a pas de maltraitance, les parents sont même très gentils... mais ça fait mal au coeur :(

Thouéris said...
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LiliLajeunebergere said...

Pas de maltraitance non plus, je pense, mais une gestion du quotidien difficile... Avec des choix surprenants: le petit a des chaussures explosées et trop petites, mais ils ont une wii et sont allés 5 fois à la fête foraine...

Je vais me renseigner pour la procédure à faire remonter au Conseil Général, ça me semble correspondre, merci!

Anonymous said...

Il s'agit de la loi du 7 mars 2007 réformant la protection de l'enfance et qui confie au Conseil Général un rôle de centralisation et de traitement des informations préoccupantes. Cette loi met en avant la nécessité de travailler le plus possible avec les parents et sans forcément recourir à la justice.
Les enseignants ont une place essentielle dans l'observation de l'enfant et si les choses se font dans le respect des parents, on peut proposer des solutions à cette maman qui n'iront certainement pas jusqu'au placement des enfants .On peut envisager une travailleuse familiale pour apprendre à s'organiser dans la gestion du quotidien ou une aide financière pour un vestiaire adapté à cet enfant, un appel aux associations ...Cette maman peut également ressentir que son fils suscite un intéret très positif de votre part et avoir envie du coup de "faire mieux". On ne peut pas savoir sans aller au devant de cette maman qui a surement besoin d'aides et qui peut être soutenue.
Chaque département s'organise à sa manière mais vous devriez trouver l'information pour la démarche concrète assez facilement (dans le Rhône, il existe des livrets explicatifs à destination des enseignants, des médecins ...).

Delphine said...

Sont=ils rentrés chez eux ce soir-là?