Tuesday, March 31, 2009

Car nés de voyages

(Titre d'une exposition locale, qui colle bien au propos d'aujourd'hui)

J'ai été envoyée hier et aujourd'hui en remplacement dans la petite école d'un petit village.
Première chose que je fais hier matin, comme tous les jours: ouvrir le cahier d'appel.

Surprise: 21 noms écrits au stylo, dans l'ordre alphabétique, puis 9 au crayon de papier, sans ordre, et 2 prénoms sans nom. Sur ces 9 enfants, 5 sont là.

A la récréation, les collègues confirment l'hypothèse que je m'étais forgée: ce sont des "enfants du voyage". Vaguement scolarisés sur la commune, environ 6 mois de l'année, et encore avec des trous, et le reste du temps, mystère...

Je me souviens de la fête foraine de la ville autrefois... Sur le champs de foire sur lequel ont été construits depuis un Macdo, un Casto, un Confo, plus tous les autres magasins qu'on trouve habituellement dans les zones commerciales.
Mais autrefois, il y avait une chouette fête foraine, et les enfants des forains fréquentaient alors, pour un mois, la même école que moi.

Le souvenir que j'en ai, c'est que j'étais l'une des rares à jouer avec eux... Racisme, méfiance... J'en ai entendu.

Des enfants du voyage, des gens du voyage, sinon, je ne connais rien - à peine les théories toutes faites à leur sujet qu'on entend de loin en loin, j'évite d'écouter les théories toutes faites sur des catégories de population.

Enfin... quand même... ma mère, qui les recevait dans le cadre de son métier, m'avait dit une fois que la plupart étaient illettrés.

Mais ce n'est pas la première chose à laquelle j'ai songé hier en les rencontrant.

Ça m'est revenu en tombant sur un mot écrit à l'enseignant de la classe par la mère d'une de ces fillettes; une série de mots écrits phonétiquement et dont l'ensemble tentait de faire passer un message qu'on comprenait vaguement.
La fillette, elle, a su encadrer des noms communs par des adjectifs qualificatifs cohérents - d'autres élèves de la classe se sont donnés moins de peine.

J'avoue m'être un peu énervée contre 2 garçons au premier rang qui passaient leur temps à discuter (à voix basse), avant de comprendre que c'étaient 2 de ces "enfants du voyage"... L'un d'eux avait quelques difficultés et demandait l'aide de son voisin - au lieu de simplement copier sur lui. Puisqu'il a l'air d'apprendre ainsi, j'ai laissé faire. Il s'est montré vraiment très performant en maths par la suite, brillant même- je n'ai jamais vu un enfant résoudre si rapidement une soustraction avec retenue, et il a été le seul à résoudre correctement un problème que j'avais donné à ceux qui avait fini en avance. L'autre avait un niveau suffisamment bon partout pour ne pas avoir à être pris en petit groupe par l'instit itinérant qui s'est spécialisé dans les "enfants du voyage".

Ils ont énormément participé en histoire, 10 fois plus que les autres élèves, particulièrement endormis.

Les deux autres étaient plus en difficulté, un surtout, mais s'accrochaient.

Bref, j'ai été agréablement surprise, carrément touchée même par ces enfants. Des enfants bien dans leur peau, certainement très suivis chez eux - peut-être entre autres grâce à l'informatique et aux logiciels scolaires?

2 d'entre eux - les deux du premier rang - ont pris toutes leurs affaires ce soir, on ne sait pas s'il y aura un remplaçant jeudi et vendredi et ils partent ce week-end.

Où? je l'ignore et ils n'ont pas jugés utile de le préciser. Car ils sont nés de voyages...

5 comments:

dany said...

Belle tranche de vie et belle rencontre....

bricol-girl said...

2 mondes qui se parallèles qui se rencontrent parfois

tanette said...

Emouvante expérience !

Anonymous said...

à Dammarie, il y aavit une école (de la zup) qui accueillait des tziganes (les roms sont sur Melun), qui revenaient périodiquement sur la commune.
Il y aurait pu y avoir un vrai travail avec ces enfants du coup, d'autant que l'instit' y mettait de la bonne volonté, mais pas la mairie, loin de là (ils poussaient la mesquinerie jusqu'à prendre des mois de retard pour rembourser du matériel à l'instit...).
Ils ne viennent plus désormais.
Mais demain se seront bien sûr les même qui se plaindront d'avoir affaire à des gens en rupture de société.

Anonymous said...

Dany, oui, ça arrive dans notre métier :-)

bricol-girl, trop peu souvent hélas

tanette, oui, vraiment

Mister K, pourquoi ne suis-je pas étonnée?