Wednesday, October 03, 2007

S'adapter

Il y a quelques jours, Nana m'a raconté combien la chanson que le maître leur apprend en ce moment la rend triste. Maman, Papa de Brassens

Maman, maman, en faisant cette chanson
Maman, maman, je r'deviens petit garçon
Alors je suis sage en classe
Et pour te faire plaisir
J'obtiens les meilleures places
Ton désir
Maman, maman, je préfère à mes jeux fous
Maman, maman, demeurer sur tes genoux
Et sans un mot dire, entendre tes refrains charmants

Maman, maman, maman, maman
Papa, papa, en faisant cette chanson
Papa, papa, je r'deviens petit garçon
Et je t'entends sous l'orage
User tout ton humour
Pour redonner du courage
A nos cœurs lourds
Papa, papa, il n'y eut pas entre nous
Papa, papa, de tendresse ou de mots doux
Pourtant on s'aimait, bien qu'on ne se l'avouât pas
Papa, papa, papa, papa

Maman, papa, en faisant cette chanson
Maman, papa, je r'deviens petit garçon
Et, grâce à cet artifice
Soudain je comprends
Le prix de vos sacrifices
Mes parents
Maman, papa, toujours je regretterai
Maman, papa, de vous avoir fait pleurer
Au temps où nos cœurs ne se comprenaient encor pas
Maman, papa, maman, papa

Sérieusement... est-ce une chanson à enseigner à une fillette qui a subi des agressions sexuelles de la part de son père, et dont l'oncle a tué la tante moins d'un an avant?
L'instit sait pourtant.... Il sait, mais ne réalise pas, comme bien des personnes.
Elles sont d'abord sous le choc... Puis font mine d'oublier combien c'est grave - quand elles ne me conseillent pas, carrément, de ne plus en parler aux enfants afin d'éviter de les traumatiser davantage et de leur permettre d'oublier.

Non, vraiment, on ne veut pas voir combien c'est grave. Pas voir qu'il faudra des années à mes enfants pour se remettre de tous ces drames, de toute ces violences physiques et psychologiques.

Ce qu'on se dit -j'imagine trop la discussion dans la salle des profs, si celui de Nana a eu des doutes et a sollicité l'avis des collègues- c'est qu'il faut bien qu'ils acceptent, que de toute façon, ils seront toujours confrontés à ça, des chansons, des histoires, sur les papas.
Mais justement... Ils sont confrontés à ça, dans le quotidien. Des papas qui s'occupent de leurs enfants. Comme ça les rend tristes, les miens d'enfants, chaque fois... Mais c'est comme ça, il y a des papas formidables, et il faut que mes enfants le sachent, ça leur donne la possibilité, à l'un de devenir un bon père, à l'autre de ne pas accepter n'importe qui.
Et puis effectivement, je ne peux pas éradiquer tous les pères de la terre. Ils sont là, mes enfants les voient.
Et c'est déjà suffisant.... Pourquoi en rajouter sous le prétexte que c'est inévitable? Pourquoi ne pas essayer d'alléger le poids que portent mes enfants?

Imaginent-ils, tous ceux qui ne veulent pas voir la réalité, imaginent-ils tout ce que mes enfants portent?
Tom-Tom joue beaucoup au méchant petit garçon qui nous use et envers lequel on finit par avoir des sentiments violents... Petit garçon à qui papa disait qu'il était méchant, lorsqu'il ne se laissait pas faire. Petit garçon à qui papa réclamait certaines caresses.
Nana s'enfonce jour après jour, sous mes yeux, dans une tristesse sans borne. Remplie à ras bord de culpabilité, celle de n'avoir pas dit avant, celle d'avoir causé des embêtements à papa... Celle de n'avoir pas sauvé son petit frère, lorsque papa s'enfermait avec lui dans la chambre, la collant devant la télé...

Voilà ce qu'ils ont vécu mes enfants. En plus du traumatisme d'une mort violente, injuste, pas encore admise, ni par eux, ni par moi, malgré les photos de la tombe arrivées fin août par mail.

Ca suffit, pour une enfance. Ils ont eu leur dose. On peut leur épargner les chansons nostalgiques de l'adulte qui n'a compris que trop tard combien ses parent étaient formidables...

Les discours de la pupart des adultes reviennent à ça: mes enfants - et tous ceux qui vivent des drames - doivent assumer. S'adapter à la société telle qu'elle est, parce qu'on ne va pas changer la société pour eux.

Une fois encore, je regrette de n'avoir pas déscolarisé les enfants cette année. Ils avaient besoin d'être protégés, protégés du monde des adultes parfois fort inhumains.... Protégés du monde scolaire qui ne leur apporte pas grand chose, si ce ne sont d'autres violences, d'autres humiliations, et du délaissement.
Mes enfants ne sont plus des enfants comme les autres... Ils sont très fragiles et réclament davantage d'attentions - voire de respect, mais je ne rêve plus. Sans doute cela dépasse-t-il les compétences d'un enseignant pris dans sa gestion de classe - quoique se passer de certaines chansons, ça reste faisable...

En attendant que je trouve une solution - peut-être... Mes enfants - Nana particulièrement, qui semble aller nettement plus mal que son frère - devront continuer à s'adapter...

4 comments:

griffoninne_la_couche_tard said...

Ben, c'est dingue ,oui !!! Ce n'est même pas une chanson à proposer à une classe du tout de toutes façons, tro délicat , et quelle morale ... :-((
(Aucun rapport , mais j'ai du mal à croire que ce soit un texte de Brassens ...?)
Ceci dit, c'est pire que tout , si cet instit' est au courant pour nana et les agressions dont elle a été victime, ...il est bête ou quoi ? (Gros soupir ...)
Tu trouveras une solution, au moins pour la rentrée prochaine, et je t'aiderais autant que possible .
Qu'ils n'aient pus (ni toi non plus.) à s'adapter à ... la bêtise humaine . Ah, ça m'énerve , tiens !
Je vous fais des gros bisous doux ! :-)) A bientôt !

dany said...

Incroyable de la part d'instit...Dire qu'il faut que les enfants oublient!!! ce qui voudrait dire qu'ils ne puissent plus en parler, plus vider leur sac... qu'il aient ça au fond d'eux toute leur vie avec les dégats que cela puissent faire... Mais dans quel monde de "chacun ses merdes" vivont nous????
Bon courage!

zora said...

pareil, même réaction, je trouve ça lamentable !
A mon avis, il faudrait une discussion avec cet instit, au moins pour lui faire part du malaise de nana, il ne doit pas être si bête, non ?

Anonymous said...

Bonjour,
C'est la première fois que je poste un commentaire sur votre blog alors que je le suis depuis le début.
Je suis très heureuse de pouvoir y accéder à nouveau car le jour où celui-ci m'est devenu inaccessible j'ai eu peur...peur pour vous... peur qu'IL ait découvert et peur des représailles qui pourraient vous tomber dessus...
Bref merci d'être revenue et de continer à vous battre.
Pour répondre à votre post, moi j'ai perdu mon père jeune d'une grave maladie. Mon père lui était quelqu'un de formidable avec qui j'ai eu une relation magnifique le "peu" de temps qu'ai pu vivre à ses côtés.
Bref tout ça pour dire que mon cas est bien différent de celui de vos enfants mais nous avons une chose en commun : l'ignorance et la bêtise dont font parfois preuve les enseignants (attention je ne fais pas de généralités!).
Environ 10 jours après le décès de mon père, mon prof d'allemand m'a dit devant tous mes camarades de classe : "Essayez de sourire moi aussi je viens de perdre ma mère et j'en fais pas tout un plat!".
Je précise que ce monsieur avait presque 60 ans à l'époque!
Perdre un parent c'est très dur quoi qu'il arrive mais sans dramatiser la chose je pense que perdre son père à 15 ans c'est plus dur qu'à 60 ans...