Friday, June 11, 2010

Pourquoi je quitte l'enseignement....

Libellule accapare une grande partie de mon temps, elle est merveilleuse et je n'en perds pas une miette.
Les enfants ont des hauts et des bas, moi aussi depuis un peu plus d'un mois, pour moi ça finira par passer, pour eux... c'est moins sûr.

J'aurais pourtant de jolies choses à écrire ici si j'en avais le temps.
Je pourrais aussi épancher mon cœur, mais non, ce n'est vraiment pas possible cette fois (et pourtant, en 5 ans, vous en avez lu de ma part!)

Pour éviter que ce blog ne meure (ceci dit attendez-vous à un compte-rendu de notre périple espagnol d'ici 15 jours :-) ) je me lance dans le sujet ô combien épineux de l'enseignement!

Je disais dans un post précédent que je ne retournerai sans doute jamais enseigner.
Finalement, nous touchons assez d'aides pour tenir quelques mois de plus... le temps pour Mister k et moi de monter notre projet professionnel commun, un truc dont je rêve plus ou moins depuis 15 ans, quelque chose de beau... dont je reparlerai plus tard, quand ça sera un peu plus concret.

Concernant l'enseignement...
J'ai toujours été écœurée par la manière dont on s'occupe des enfants dès la maternelle. C'est quand même une énorme contrainte pour eux et je n'ai jamais réussi à être en phase avec ça. Assis, debout, couché... Fais-ci et pas ça... Ils ont en permanence des obligations. Parfois injustifiées.
Je connais des profs vraiment indignes.
Il y a beaucoup d'humiliations, de vexations.
La parole, les envies, pire, les besoins, ne sont pas pris en compte.
D'accord, vous me direz que c'est forcé tout ça, c'est le principe même de l'école en fin de compte, un programme à respecter, faut que ça marche et y'a pas 36 manières d'arriver à ses fins...

C'est sûr...
Je continue de défendre la belle idée qu'est l'école; une institution qui a permis un réel progrès social et qui est encore aujourd'hui plus ou moins un garant de l'égalité des chances.

Mais on sait bien que ce sont de belles paroles tout ça... On sait que pris dans le quotidien de la classe, la grande majorité des enseignants va au plus pressé, et tant pis pour ceux qui n'y arrivent pas... d'ailleurs, ceux qui n'y arrivent pas, les enseignants n'y peuvent pas grand chose: ils ne sont pas formés pour repérer ne serait-ce que la dyslexie!
On laisse dans le caniveau tous ceux qui ne rentrent pas dans les cases, parce qu'on ne sait pas ce qui coince. J'entends des trucs effarants dans les salles de profs, "il est feignant, débile etc..." . Je connais des enfants qui souffrent de handicaps les empêchant de se concentrer, de comprendre certaines choses, d'aller vite... Ces enfants-là ont de la chance: les handicaps ont été détectés. Ce n'est pas le cas de beaucoup d'autres, qui végètent inutilement sur les bancs de l'école et s'en prennent plein la tronche.

Je n'arrive plus à supporter ça; à ne pas réussir à emmener TOUS les élèves de A à B, même en ne passant pas par le plus court chemin, par manque de connaissances, de moyens, de temps.
Je n'arrive plus à supporter de leur demander de faire ça là maintenant tout de suite parce que c'est comme ça et pas autrement.

Je n'arrive plus à supporter de n'être pas une bonne enseignante. Je ne suis pas la pire, mais je suis loin de ce que j'aimerais être. Je m'étais dit que les enfants grandissaient, que j'aurais plus de temps pour m'investir, trouver d'autres manières d'enseignement... Puis Libellule arriva!

Je me suis toujours posée des questions sur le métier, et sur moi dans le métier, j'ai toujours douté, de l'institution, de mes capacités et compétences, de ma place et de mon rôle.
J'ai souvent trouvé le métier difficile pour des tas de raisons et ça s'en ressentait parfois sur la manière dont j'enseignais - particulièrement l'année qui a suivi le dépôt de plainte pour mes enfants.

Je ne veux pas retourner crier sur les enfants (même si je ne crie pas tant que ça, c'est toujours trop à mon avis), je ne veux plus leur demander d'apprendre ça aujourd'hui parce que c'est comme ça, je ne veux pas leur demander d'arrêter de faire ce qu'ils font parce que c'est pas le moment...
Je ne veux plus me sentir inutile pour ceux qui ont des difficultés scolaires ou sociales.
Je ne veux plus me tordre le ventre parce que je sens des enfants en réelle souffrance et que je n'y peux rien. Je ne veux plus cautionner cette hypocrisie.
Je ne veux plus voir des enfants qui ressemblent à Viking, savoir qu'ils ne peuvent pas maîtriser leur comportement et leur crier dessus quand même.

Je m'étais toujours dit que je ne serais pas de ces enseignants qui ne font ce métier que pour les vacances.
Je n'en suis pas là... mais je ne veux pas voir à quoi je ressemblerai, comment j'enseignerai et comment je me comporterai avec les élèves à ce moment-là.

Je préfère arrêter avant.
Rassurez-vous: si je dois quand même enseigner encore, pour une raison ou une autre, je le ferai avec plaisir, parce qu'il y a plein de choses qui me plaisent dans ce métier, et je ne suis pas épouvantable non plus.

Mais ça fait presque un an que je me suis éloignée des tableaux noirs, verts ou blancs et je n'en souffre pas, loin de là.
J'entends ce que notre président et notre ministre préparent et j'en suis effarée... Je ne me sens pas prête à faire du meilleur boulot dans ces conditions.

Pour finir... nous n'avons pas l'intention de scolariser Libellule les premières années. Je ne veux pas qu'elle pleure, je ne veux pas qu'on l'oblige à faire ci comme ça parce que c'est comme ça et pas autrement... Je ne veux pas qu'elle marche en canard.

Je veux qu'elle soit libre dans sa prise d'autonomie et ses apprentissages. Et qu'elle n'aille à l'école un jour que parce qu'elle le veut; qu'elle soit prête, vraiment (ceci dit, vu ce qu'"ils" font de notre école, elle risque de ne pas y aller pendant vraiment très longtemps)

(Je ferai un autre post sur la non-sco)
(Non, ma fille ne sera pas asociale et analphabète :-D )

Quant à notre projet professionnel... il n'est pas très loin des enfants (les miens et ceux des autres)(et on pourra l'exercer avec nos enfants à nous dans les jambes!), et bien plus proche de la manière dont j'aurais aimé enseigner. Mais ça sera pour une prochaine fois!

15 comments:

Eperra said...

Je suis touchée par ton honnêteté même si je trouve dommage que ce soit toujours les meilleurs qui partent, du moins ceux qui ont conscience qu'ils pourraient faire mieux (et c'est déjà énorme !). Déjà, l'été dernier, j'ai été attristée de voir mon frère, instit depuis 20 ans dans un quartier "difficile", lâcher prise, lui que j'admirais parce qu'il ressemblait tant à un de ces hussards de la république. Je n'ai plus d'enfants scolarisés, mais peut-être un jour prochain, des petits-enfants, et je suis triste et en colère pour eux...
Tous mes vœux vous accompagnent dans la réussite de votre projet commun.

myriam said...

Mes garçons ont commencé la maternelle dans notre école de village, 15 enfants maximum sur trois niveaux, une instit' à la fois douce et énergique, pleine de projets, un régal ! Nous avons ensuite eu droit à un regroupement intercommunal au vu des tout petits effectifs... la fin d'un rêve (pour l'enseignante aussi, qui en a profité pour reprendre des études !).
Je comprends parfaitement tout ce que tu dis, en tant que mère.
Et en tant que professionnelle -je suis éduc' en crèche-, je le comprends peut-être encore mieux... ce métier que j'ai démarré dans un milieu associatif et convivial, je dois aujourd'hui le poursuivre comme si je travaillais dans une entreprise, on exige de nous des performances, de la rentabilité... et l'enfant n'est plus du tout au coeur des préoccupations. Avec ce décrêt que Nadine Morano vient de faire passer au mépris de toutes les voix qui se sont élevées contre (décrêt qui aura de lourdes conséquences sur la qualité de l'accueil des jeunes enfants), les "violences" faites aux enfants, quotidiennement, sans volonté de nuire mais par manque de moyens (et parfois d'envie, chez certaines qui n'ont pas leur place !), seront de plus en plus nombreuses.
J'en ai gros sur la patate et, comme toi, je m'interroge sur mes projets au terme de mon congé parental. Je t'envie d'avoir un projet qui te tient à coeur, et te souhaite tous les bons augures pour le réaliser avec ton homme !

sosso said...

Juste pour te dire que je ne t'ai pas oubliée, je te réponds, ici et ailleurs, dès que j'aurais touchée terre ;-)

Valérie de Haute Savoie said...

La catastrophe qu'a été pour moi la scolarité fait que je n'aurai aucune crainte pour Libellule de s'en passer :) Et je me réjouis de découvrir votre projet, je suis tellement sûre que cela sera très intéressant.

les carnets de traductions said...

bon courage et beaucoup de réussite pour ton projet

Sophie said...

dommage, car ce ne sont que ceux qui s'insurgent qui peuvent faire avancer les choses...
oh bien sûr, il y a des murs très épais, insurmontables sans doute, mais on a aussi chacun une certaine liberté dans nos classes et pour peu que l'on tombe dans une "bonne école" (pas au sens "école d'enfants qui apprennent facilement", mais au sens d'équipe dynamique et de majorité de parents impliqués) on a des raisons ne de pas désespérer.. pas trop... même si la situation est désespérante parfois parce que comme je le dis toujours "le jour où l'école sera faite pour les enfants, on le saura !"...

mais cela n'empêche que je souhaite de tout coeur une belle réussite dans votre nouvelle aventure !!

FD-Labaroline said...

Je dirais un peu comme les autres, dommage que justement tu ne restes pas pour à ta manière, à ton échelle, faire bouger les lignes et apporter ta façon de voir les choses aux élèves qui auraient pu te passer dans les mains. Tu laisses ainsi la place (en vrai non, la place ne sera pas "prise" puisque "pas remplacée") disons plutôt que tu laisses ainsi en place ceux de tes collègues qui sont bien dans le moule, dans la mouvance, formatés au formatage, au tri sélectif et à "la loi du plus beau" (ref. à un roman de lit. jeunesse de Ch. Lambert)
Je te souhaite chance, bonheur, épanouissement et réussite dans votre nouveau projet commun. Bises à vous

Bismarck said...

Ah, il y a un projet, derrière tout ça; tant mieux!
En fait, tu quittes l'enseignement parce que tu as conscience de tes limites et de celles du système; parce que ce métier portait beaucoup d'espoirs, en somme, déçus.
C'est une belle preuve de courage, je pense.

ms said...

Je rejoins certains coms. En te lisant, j'ai le sentiment que c'est dommage car ton honneteté me laisse à penser qu'il faudrait plus d'enseignants avec ta lucidité et ton esprit ! Je te souhaite que tout se passe selon ton coeur pour votre projet!

liaht said...

Si seulement un tout petit pourcentage des enseignants acceptait de se remettre en cause comme tu le fais.... on pourrait sans doute faire avancer les choses ! Malheureusement, les enseignants sont souvent pétris de certitudes...
Comme tes autres lecteurs, je regrette que la seule façon de faire entendre ta voix différente soit de claquer la porte...
J'espère que tu nous tiendras au courant !

Sothy said...

C'est toujours les meilleurs qui s'en vont!! la preuve: j'ai quitté aussi l'enseignement!

No said...

Je découvre ton blog à l'instant et je veux juste réagir sur ce passage :
"Je veux qu'elle soit libre dans sa prise d'autonomie et ses apprentissages. Et qu'elle n'aille à l'école un jour que parce qu'elle le veut; qu'elle soit prête, vraiment (ceci dit, vu ce qu'"ils" font de notre école, elle risque de ne pas y aller pendant vraiment très longtemps)"
J'ai eu le même raisonnement, et je suis allée jusqu'au bout. Vraiment. Le truc, c'est que mon fils a demandé l'école à 3 ans presque tout pile :D
Et oui, il était vraiment prêt : parti des le premier jour (rentrée de janvier, il a quand même été nonsco un trimestre!) sans une larme et sans même un regard en arrière pour sa p'tite maman - Et de temps en temps, il pleure parce que "demain c'est mercredi et j'ai pas écoooooleuh!"
Malgré ton écoeurement -que je comprends, et partage en tant que maman qui a des enfants scolarisés depuis 15 ans et qui voit que tout ça ne va pas dans le bon sens- un enfant, aujourd'hui, peut quand même être heureux d'aller à l'école .

Madalen said...

Quelle bonne nouvelle !!! :-))

(On ne peut pas un (e) don quichotte toute sa vie surtout dans une telle structure on y perd trop de plumes,tu sais que je connais le sujet ;) )
Ravie pour vous 5, tu vas respirer ,et les loulous itous !!

Ca fait 4 années vécues qu'on respire enfin, et sans aucun regret ,je vous en souhaite au moins aussi bien . :-D

Bises,

(ex-avanaé)

Anonymous said...

@bismarck du courage d'abandonner parce que c'est pas comme on pensait l'enseignement, je vois plutôt une fuite qu'autre chose, mais j'espère que le nouveau projet marchera

mamansursaplanete said...

En lisant ton billet, je me disais qu'en commentaire j'allais parier que tu ne scolariserais pas ta petite dernière. Et en poursuivant ma lecture, j'ai vu que j'avais vu juste, ça m'a fait sourire. Tu dresses un bien triste constat sur le métier et l'institution.
Et je prends presque le pari que tu ne scolariseras pas plus tard non plus.
Ca faisait plusieurs années que je n'avais pas lu ton blog.
Les nouvelles sont plutôt très bonnes jusqu'ici.
Courage pour ton papa.
Meilleurs voeux pour cette année toute neuve. Beaucoup de joie, de légèreté, de rêves et de projets réalisés.