Sunday, February 10, 2008

Blessés, pour toujours

C'est ce que j'ai écrit ici au soir du 5 mars 2007 au sujet de mes enfants.

Et c'est si vrai, et ça dure tant...

(Il se roule par terre en hurlant)

Lorsque j'expose parfois mes craintes (de moins en moins) concernant l'avenir de mes enfants, on me rétorque, à la limite de l'indignation, que ça-va-aller-tu-es-là-pour-eux-ils-ne-subissent-plus-rien-il-faut-tourner-la-page-et-y'a-la-résilience-et-tu-es-trop-pessimiste-et-négative-forcément-si-tu-vas-comme-ça-ils-vont-mal-tourner.

(Elle mange pour se remplir)

Super, après avoir été la mère qui rejetait mille et une fautes sur son ex alors qu'elle même allaitait (honte sur moi!), je suis désormais celle qui sans doute savait mais ne voulait pas voir ("Non parce que franchement, comment a-t-elle pu ne pas voir? Elle s'est aveuglée, c'est certain, elle ne voulait pas voir, un enfant violé ça se voit") en même temps que celle qui ne peut imaginer une vie sereine pour ses enfants.

(Il s'arrache les ongles)

Culpabilité à tous les étages, j'ai gagné le gros lot.

(Elle ne s'autorise pas à être aimée)

Je suis là pour eux... Mais je ne suis pas magicienne (et pourtant, j'aimerais bien)

(Super! il vient de s'offrir une nouvelle coupe de cheveux sauvage....)

Ils ne subissent plus.... Mais ils ont subi! Refuser d'assimiler ça, de considérer combien c'est grave, c'est amoindrir le geste, et sous-estimer sa portée. C'est grave! Le tabou, encore et toujours le tabou... Et la demande faite aux victimes de la boucler pour ne pas déranger.

(Elle est triste, si triste)

Tourner la page, ah ah ah! Tourner la page... Ca ne se tourne pas comme ça, ces pages, là encore c'est nier le drame que mes enfants ont subi. Et je crois même que cette page-là, on ne la tourne jamais, si j'en crois les témoignages...

(Il casse un truc pas jour à la maison)

La résilience, aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah, cette fameuse résilience qu'on met aujourd'hui à toute les sauces... Aussi pratique et péremptoire que le "tout se joue avant 6 ans" en son temps.

Y'a la résilience, je n'ai pas à m'en faire! Ca va même se faire tout seul, c'est magique.... Je suis vraiment bien bête de m'inquiéter comme ça.

(Elle perd un peu plus confiance en elle chaque jour)

Je ne suis ni pessimiste ni négative. Juste réaliste. Mes enfants vont grandir, le moins mal possible j'espère, en se contruisant leur bonheur et en dérapant le moins possible je le souhaite, et avec tout mon optimiste, toute ma bonne humeur pour les aider, mais il y a une part d'eux sur laquelle je n'ai pas de prise, et leur vie m'échappera un jour, quoi qu'elle soit devenue.

(Il devient un petit délinquant précoce à l'école)

Zut, ce n'est pas rien ce qu'ils ont subi quand même. Pas juste un petit événement perturbateur. Ce sont les victimes d'une drame assez grave pour qu'on le classe dans la catégorie des crimes. Un drame dont on peut mettre des années à se remettre, dont on peut ne pas se remettre du tout. Un drame qui restera toujours ancré en soi lorsqu'on l'a vécu.

(Elle se met en colère pour des riens, tout le temps, gâche tous les petits moments que nous pourrions passer ensemble si simplement)

Qu'on ne décide pas à la place de mes enfants si tout ira bien ou non. Tous nous le souhaitons, mais qui peut prédire quoi que ce soit en la matière?

Qui peut m'assurer qu'un avenir sans nuage attend mes enfants, alors qu'aujourd'hui leur comportement ne cesse de se détériorer?

8 comments:

Anonymous said...

oh..je ne sais ..que te dire..
juste..que je suis là..;attentive.;oreille présente.;si tu veux...

LiliLajeunebergere said...

Co de contes, je n'en demande pas plus en fait :-)

Anonymous said...

Je comprends tes inquiètudes et les partage... Mais je crois que même si nous avons des souvenirs d'enfance difficiles, bien accompagnés, on doit pouvoir vivre avec, même s'ils viennent obligatoirement nous perturber. Est-ce que tu crois aux vertus du procès???
Je suis aussi à ton écoute, mais souvent aux mots écrits, il manque l'intonation!
Bises à tous les 3.

zora said...

pareil, je suis là aussi...
Et puis les "autres", ceux qui jugent, ceux qui savent mieux que toi, ben ils ne vivent pas avec toi. Alors envoie les bouler, c'est toi et toi seule qui sait ce qui est bon pour tes enfants.
Courage
bises

Anonymous said...

C'est vraiment dur de commenter un tel billet! Juste un mot: courage

*isadora* said...

Je pense souvent à vous trois.
Vivement qu'on se voit, on vous envoie des bisous.

LiliLajeunebergere said...

Dany, je pense que le procès fera beaucoup, oui...Et merci pour ton écoute :-)

Eddie, c'est ce que j'essaie de faire.

E., j'en suis consciente... et merci

Isa, merci :-)

Fabi said...

On s'en fout de ce que les autres pensent. Vous même savez/saurez ce qui est le mieux pour chacun d'entre vous.

Un gros bisou à tout les trois, un envoi d'espérance.

J'espere de tout coeur que dans quelques années le bonheur sera a la porte de tous, naturel et revanchard ;).