Monday, November 30, 2009

Morceau d'enfance

Je crois que je retrouverais le chemin, une fois à l'entrée du village. Il faudrait passer le château, et les gens mystérieux qui y habitaient, mystérieux parce qu'ils étaient "du château", mais qu'en fait ils étaient comme nous. Chaque été, il y avait la fête du château, grande kermesse qui nous ravissait.

Je n'oublierais pas de sourire en passant près du cimetière. Ma cousine et moi y passions un certain temps à prendre des fleurs sur les tombes très fleuries pour les déposer sur les tombes dégarnies. Les robins du cimetière.

Il y a la mairie aussi, une des âmes du village. Il n'y avait pas de cinéma, bien sûr, alors parfois, je ne sais qui organisait une soirée vidéo dans une des salles de la mairie. Il y avait au moins 2 salles dans ce bâtiment, puisque 2 films le même soir, celui des adultes et celui des enfants. C'est là, un été, que j'ai pu voir "L'Ours".

Il y avait le bar-librairie, et l'épicerie tenue il me semble par "la parisienne", établie dans le village depuis des décennies, mais "la parisienne", toujours. Ces commerces ont-ils survécu?

Il faudrait tourner la rue à angle droit, regarder avec un reste imbécile de crainte le fameux angle où vivait, dans mon souvenir du moins, le chien qui a un jour attaqué mon cousin. Ma cousine et moi en avons gardé la frousse des chiens, pour ma part pendant des années et même encore un peu maintenant, pourtant je n'avais même pas assisté à la scène.

Et puis nous arriverions devant la maison. Une grande façade, collée aux autres maisons, en un seul alignement.

Il faudrait pousser la porte du hall d'entrée, jeter en passant un coup d'œil à gauche, dans le garage, à la vieille coccinelle orange qui nous a si fidèlement véhiculés, notamment jusqu'au lac où nous allions nous baigner. Est-elle toujours là, cette coccinelle orange?

Le sol est de bitume, nous y jouions à l'élastique, je me souviens de la fois où j'étais pieds nus et que je me suis ainsi arrachée une verrue.

Tout droit, c'est le jardin. Il est sur deux niveaux. On accède de l'un à l'autre par un petit escalier ou par une pente, pente que nous dévalions sur un châssis de landau.
En bas, la table de jardin où nous mangions lorsque le temps le permettait.
En haut, je ne me souviens que de la balançoire, et des groseilliers. J'adorais cueillir les groseilles. Ma tante en faisait des confitures, l'été, et j'aimais bien, l'hiver, revoir les bocaux de toutes tailles qui nous attendaient sagement dans le buffet.

Attenante à la maison, que nous ne pouvions atteindre qu'en passant par la pente, il y avait la grange. Nous y passions des heures, entre le piano, le billard et les parties de monopoly. Ma cousine et moi nous faisions crédit pendant des heures, trop gentille l'une et l'autre pour oser faire perdre l'adversaire.

Du hall d'entrée, nous accédions, à droite, à la maison. On passait tout d'abord dans la cuisine, domaine de mon oncle.
Puis, l'immense salle à manger, avec la longue table où nous pouvions tenir si nombreux... Nous y mangions, nous y épluchions les légumes pour la ratatouille de mon oncle, nous y jouions, nous y faisions nos cahiers de vacances, et nos dictées. C'est là, penchée sur mon épaule, que ma tante m'a expliqué comment écrire le mot "cueillir" et tout ses dérivés, je n'ai jamais oublié.

Au rez-de-chaussée, une chambre, puis plusieurs chambres à l'étage, beaucoup de livres, dont des vieux ayant appartenu à mon oncle et ses frères, des jouets, des vieux également, un peu partout.
La maison a pu accueillir bien du monde en même temps, il y avait suffisamment de place.

C'est là que j'ai passé une grande partie de mes vacances d'enfance et d'adolescence. Là, dans cette maison pleine d'âme, pleine d'histoire, quelque part en Auvergne.

Je me souviens du puits, des lasagnes de mon oncle qui ont une saveur particulière que je n'ai jamais retrouvée, de la cueillette des champignons, de nos parents s'essayant un jour à la dictée de Pivot, de nos rires, de nos jeux, de nos disputes, entre nous et avec nos parents qui sont toujours les plus méchants de la terre, de nos balades en vélo, du reblochon, du feu que mon oncle allumait, des vieilles et grandes armoires, des araignées, de la tente plantée dans le jardin dans laquelle nous avions tenté de passer la nuit, nous petits enfants de la ville, des jupes de ma tante qui virevoltaient autour de ses chevilles, des parties de belote où j'ai longuement eu la chance du débutant, si bien que mon oncle ne voulait plus que moi comme partenaire, de ma cousine, beaucoup, et des liens indéfectibles qui se sont noués ainsi et qui nous unissent depuis.

C'est quelque chose que je ne retrouverai jamais, mais qui sera toujours là, un petit bout d'avant, et il me plaît de penser qu'un morceau de moi est resté là-bas.

11 comments:

Puce34/sev34 said...

Oh, toi aussi tu entretenais les tombes délaissées ?

C'est un de mes souvenirs d'ado préféré.... Fleurir et nettoyer ces pierres qui portaient une histoire....

tanette said...

Une belle histoire que tu vas pouvoir raconter à ta libellule.
Bonne soirée à vous tous.

La Femme coupée en deux said...

Jolie note, pleine de tendresse, on s'y croirait en vrai...

dany said...

Magnifique post! Mais comment s'appelait ce lac ? je le connais peut-être, moi qui suis native d'Auvergne...

bricol-girl said...

Jolis souvenirs qui aident à vivre le présent.

Crazy Cat Lady said...

C'est drôle, je les ai également ces souvenirs, mais savoir que ces moments ne reviendront jamais m'arrache le cœur à chaque fois. Je n'arrive pas à en défaire !

liaht said...

Tiens, moi aussi je rendais justice en dépouillant les tombes trop garnies pour fleurir les délaissées !!!
Ces maisons de notre enfance ont participé à ce que nous sommes devenus adultes, j'en suis peruadée !

kousinn said...

Je me rappelle qu'une fois au cimetière, on s'était faite gronder par une dame qui n'appréciait pas notre bonne volonté..

la coccinelle n'est plus là, plutôt que de la laisser enfermée au garage elle a été adoptée par un amoureux des voitures

Moukmouk said...

Oui la famille élargie est bien importante, c'est dans ce milieu qu'on apprend le plus, il faudrait que l'école arrive à le comprendre.

Anonymous said...

j'ai beaucoup aimé lce texte de
j'ai reconnu un M.... d'autrefois , de vos vacances , des étés , j'aurais envie de l'embrasser pour avoir si bien compris le charme de notre pays
Colette

LiliLajeunebergere said...

J'ai écrit ce texte en pensant fort à quelqu'un... Ca s'est suffisamment senti pour que ma cousine passe le message, merci à elle.
Je pense à lui, chaque jour qui passe, lui qui a eu une importance qu'il n'imagine pas dans ma vie.
Cette fois, j'ai dit à temps mon amour, même si c'était de manière détournée.

Je suis ravie que la coccinelle orange soit toujours en un seul morceau.

Et je vois que ma cousine et moi n'étions pas les seules robins des cimetières!