Monday, November 29, 2010

Ecologie, féminisme et maternage/paternage

Il y a quelques jours, j'ai lu "partager le sommeil de son enfant" de Claude-Suzanne Diderjean-Jouveau. C'est avec stupeur et émotion que j'y ai découvert le témoignage que j'avais écrit sur une liste de discussion autour de l'allaitement! J'avais oublié que l'auteur m'avait demandé la permission d'utiliser ce témoignage pour un livre qu'elle était en train d'écrire, et que j'avais accepté. Mon texte, concernant la difficulté maternelle, se trouve également ici.

Du coup, ça me donne envie de partager quelques réflexions que je traîne depuis des mois, sur le fait que certaines personnes opposent l'écologie et le maternage au féminisme.

Tout d'abord, petit rappel sur ce qu'est le maternage: c'est le fait de répondre aux besoins de son enfant. Cela consiste essentiellement à ne pas le laisser hurler pendant des heures parce que ça lui fait les poumons, à le porter et le nourrir à la demande sans craindre de le rendre capricieux, à ne pas lui donner de fessée vu que personne n'en est mort, à prendre en compte ses envies... La plupart des mères maternantes (ou materneuses, ou autre) allaitent, souvent longtemps, portent en écharpe,dorment avec leur bébé, pratique l'HNI, mais l'ensemble n'a rien d'obligatoire. Il n'empêche que ça implique une proximité avec son bébé qui a longuement été mal vue, et j'ai mal au cœur en songeant à toutes ces générations de mamans qu'on a culpabilisées et à qui on a fait croire que c'était "mal" - j'ai personnellement connu, d'ailleurs, quand ma Princesse est née il y a presque 12 ans.

Donc, proximité avec bébé, et disponibilité, et c'est là que le bât blesse. Parce que cela implique également qu'on se passe de pas mal de matériel de puériculture, d'une part, et d'autre part qu'on estime que nous sommes les esclaves de nos bébés, donc anti-féministes. Pire encore, comme souvent on utilise des couches lavables et qu'on reste à la maison avec nos enfants au lieu d'aller travailler, on est d'affreuses écolo et l'écologie, c'est anti-féministe. Voilà en gros les détours que j'ai pu et entendre lire à droite et à gauche ces dernières années.

Alors oui, on utilise des couches lavables - des langes ici, en fait - en pensant à la planète dont nos enfants vont hériter, et aussi à leurs petites fesses qui restent davantage saines dans du tissu que dans du plastique plein de produits chimiques (je ne vais pas m'étaler, mais écologie et maternage incitent à réfléchir à la santé, aux relations avec le corps médical etc).
Et les couches ou langes, faut les laver, donc on retournerait en arrière... Sauf que contrairement à nos mères et nos grands-mères, nous avons désormais une machine à laver. Qui lave à notre place. Bien sûr il faut étendre, mais on étend bien le reste du linge!

En gros, c'est essentiellement là-dessus que les soi-disant féministes se sont focalisées pour prétendre que l'écologie, c'est anti-féministe: les écolo utilisent des couches lavables.
Oubliant que le féminisme, c'est la lutte pour l'égalité des sexes, et que monsieur est tout à fait capable de mettre une couche sale dans une machine, d'appuyer sur le bouton pour mettre la machine en route, de sortir le linge et de l'étendre.

Le problème donc, ce n'est pas l'écologie, mais le fait que la lutte pour l'égalité des sexes a malheureusement échoué, que bien des femmes sont aujourd'hui encore vues comme des subalternes, comme des bonniches par leurs compagnons, et qu'elles bossent à l'extérieur ou non, elles doivent tout gérer, les enfants, la maison, pendant que monsieur se repose.

Comme je l'ai dit également, le maternage conduit souvent à utiliser moins de matériel de puériculture: pas de biberon, de lait en poudre, de stérilisateur, pas de couches jetables (qui reviennent plus cher que les lavables), pas de poussette chère... Lorsque la maman ne travaille pas, ça signifie aussi souvent pas de 2ème voiture (voire pas de voiture du tout), pas de vacances... Bref, moins de dépenses, moins de consommation. Ce qui n'est pas du goût de ceux qui vivent de la société de consommation, de ceux qui ont intérêt à ce qu'on continue de consommer. Ceux-là mettent en avant le féminisme, mais c'est le libéralisme et la société de consommation ainsi mise en péril qu'ils pleurent en réalité.

Une autre mauvaise vision des choses, c'est cette manière de mettre les enfants dans le même panier que les tâches ménagères.
Et puis, avoir des enfants, ok, à la limite, mais faudrait pas que ça nous change la vie, et faut pas que ça dérange plus qu'un meuble.
Quelle grossière erreur! Quelle monstruosité! Un enfant, ça change la vie, beaucoup plus qu'un meuble, c'est comme ça. Et lui consacrer du temps et de l'énergie, c'est être mère, et pas anti-féministe! Et je ne mets pas mes enfants sur le même plan que les tâches ménagères, dont je me passerais bien.
Quel dommage que les féministes (ou au moins certaines) se soient trompées de combat en reléguant les enfants loin derrière le reste... Les enfants font partie de nos vies de mère; au lieu de combattre cette évidence, il aurait plutôt fallu aider les mères à tout concilier.

Ce qui est globalement regrettable, d'ailleurs, c'est qu'aujourd'hui, l'enfant ne soit pas le centre de la société. Pourtant, il a une importance inestimable et il devrait au contraire être au centre des débats - ce qui ne signifie pas qu'il soit "roi" ni que les besoins des parents soient niés; mais avec de la volonté politique, et l'acceptation que les relations humaines sont plus importantes que les possessions matérielles, on pourrait obtenir une société plus juste, notamment pour les enfants. En attendant, c'est à chacun de faire ses choix, et de les assumer - personnellement, on n'est pas propriétaires, on n'a pas de voiture, on n'achète que ce dont on a besoin, et on se régale à voir grandir Libellule minute après minute.

Autre chose: dans tout ça, le père est souvent oublié. Heureusement, on commence à parler de "parentage", ce qui englobe les deux parents. Dans ces familles - dont nous sommes-, monsieur porte en écharpe et fait la vaisselle. Bref, il est paternant et féministe!
A une époque, la lutte pour l'égalité des sexes est passée légitimement par le travail: le droit d'avoir un travail à l'extérieur, de ne pas dépendre de son mari... Oui, c'était légitime, et oui, c'est toujours d'actualité. Mais il ne faut pas croire non plus que la libération de la femme ne passe que par le travail à l'extérieur (inversement, le travail à l'extérieur ne libère pas forcément les femmes, ni les hommes d'ailleurs...), et qu'une femme au foyer est forcément une bonniche chez elle et dépend totalement de son mari. On peut s'épanouir dans la maternité, et lorsque le souhait d'arrêter de travailler est centré sur l'enfant, sur son bien-être (et non imposé pour d'autres raisons, notamment économiques, si le coût de garde est si élevé par rapport au salaire que "ça ne sert à rien d'aller bosser"), cela n'a rien de dégradant, rien d'avilissant. Bien sûr, on n'est pas "rentable", et on retrouve là la rengaine du libéralisme...
Bref, pour en revenir au père, dans ces familles qui prennent en compte le bien-être de l'enfant, qui cherchent à répondre à leurs besoins, le père a totalement sa place de père, il n'est pas un subalterne de la mère. Il y a un respect mutuel du père, de la mère, et derrière eux, de l'homme, de la femme, dans le couple et individuellement. N'en déplaise aux détracteurs de l'écologie et du maternage, c'est dans ces couples que je vois le plus d'estime, de respect, de partage des tâches et de partage des enfants (huhu :p).

Pour finir, c'est un tout: on est rarement écolo sans être maternant et l'inverse me semble impossible, et il est difficile d'être maternant sans être écolo (faut bien que papa fasse la vaisselle pendant que maman allaite); j'ai du mal à déterminer où commence l'un et où s'arrête l'autre, ce qui relève de l'un ou de l'autre: ici, nous sommes écolo, féministes et maternants/paternants. C'est un état d'esprit aussi. Quelque chose de naturel. Quand je parle de l'allaitement ou de l'HNI, que je trouve fabuleux, que je pratique automatiquement sans me poser de question, Mister k tempère: c'est chronophage. Chez moi, ça vient des tripes, je ne pourrais faire autrement. Mais c'est clair qu'on ne peut pas faire semblant, pas se forcer.

J'espère que tout ça n'est pas trop confus, j'ai tapé vite par manque de temps!

6 comments:

Bismarck said...

Non, c'est très clair. Et très vrai, je trouve.
Voir un retour en arrière dans les couches lavables, c'est refuser le bien de la planète au profit de la consommation toute puissante.
Mais tu vas encore t'attirer les foudres féministes en disant que "tout ça vient des tripes", comme s'il y avait un instinct maternel, une différence naturelle entre l'homme et la femme.

dany said...

Emue par ton témoignage.... et frustrée de ne pas avoir eu vent de ces méthodes il y a 35 ans, avec un papa très paternant...

Sophie said...

bien d'accord, comme tu te doutes !
le choix des couches lavables ici s'est fait à deux, je suis féministe et écolo, être féministe ce n'est pas nier que hommes et femmes sont fabriqués différemment (la nature a prévu que la femelle mammifère nourrisse son enfant, pourquoi vouloir l'oublier ?), c'est bien l'égalité des chances, des traitements, le partage des tâches...

zora said...

c'est très clair :-)
bien résumé, j'aime beaucoup :-)
je me sens écolo (même si souvent je fais plus comme je peux plutot que comme j'aurai voulu, mebon..), chouquette a toujours ses couches lavables (je ne me sentais pas de faire l'hni) et comme toi je regrette que l'info n'ai pas existé il y a 12 ans pour pétard...
Par contre, le partage des taches, chez moi, c'est pas ça...helas...

*isadora* said...

C'est très clair et juste.
Ca fait plaisir de lire ces mots-là venant de toi, parce que ça veut dire que tu vis enfin comme tu es.

Je te fais des bises et vous souhaite une bonne fin d'année à tous les 5 :)

Clara.be said...

je suis pas très écolo (pas de couches lavables) mais j'ai beaucoup allaité et je voulais te dire que j'avais lu ton témoignage sur le cododo et l'allaitement il y a longtemps, ailleurs, et qu'il a fait partie des choses qui m'ont permis de savoir que c'était possible. j'ai allaité longtemps mes enfants nés en 2002 et 2005 ainsi qu'un tout petit préma de 2010 qui s'en est très bien sorti et est toujours accro au sein. je reviens lire de temps en temps de tes nouvelles et je suis heureuse de voir qu'elles sont positives aujourd'hui malgré les soucis qui restent. je pense souvent à toi. j'en profite pour te souhaiter une excellente année 2011.