L’histoire que je vais vous raconter est effrayante, j’espère que vous avez le cœur accroché.
Ca se passe il y a 8 ans, quelque part en novembre. J’étais enceinte de 7 mois passés. A l’époque, j’habitais non loin de la gare de Villeneuve Saint Georges, en région parisienne -vous saurez tout. Je remontai l’avenue. Un petit kilomètre à peine, ensuite tourner dans la rue à droite, traverser, encore quelques mètres, plonger dans l’étroite allée qui menait dans un tout petit immeuble dissimulé au fond d’une cour.
Je marchai donc, lorsque j’ai réalisé que j’étais suivie. C’était très clair: j’ai ralenti, il a ralenti. J’ai accéléré, un peu -je vous rappelle mon état de femme très enceinte - il a accéléré. Bon, me dis-je, un mec qui veut me draguer, quand il verra mon ventre, huhu… Parce que de dos, j’ai toujours donné le change lorsque j’étais enceinte, et ma grosse veste de laine m’aidait bien cet hiver là.
D’un coup, le type accélère, me dépasse, j’imagine la tête qu’il va faire lorsqu’il va réaliser que je ne suis pas dragable…
Et soudain, une chute intérieure. Je ne sais pas si ce type s’était déjà aperçu que j’étais enceinte, ce qui était très clair par contre, c’est qu’il me voulait du mal, beaucoup de mal. C’était le regard de la noirceur absolue. Si je tombais entre ses pattes, j’étais cuite.
Je ne devais pas tomber entre ses pattes. Mais que faire? Impossible de piquer un sprint dans mon état. Je ne me voyais pas non plus marcher des heures dans la ville dans l’espoir de lui échapper, d‘autant que j‘avais une grossesse difficile et que je n‘aurais même pas dû sortir ce jour-là. Attendre le père de mon bébé dans le café du coin? L’autre pouvait attendre le temps qu’il fallait pour savoir où j’habitais pour la prochaine fois. Pas de téléphone portable à ce moment là, personne qui serait venu me sauver avec une voiture…
Nous approchions de l’intersection d’avec ma rue. Le type n’essayait même pas de dissimuler ses intentions: il s’est posté au coin de la rue, m’a fixé de son regard de tueur - de tueur, je vous assure, pour savoir quelle direction j’allais prendre. Une idée, je devais trouver une idée, vite… Je suis entrée dans la librairie au coin de la rue. Il m’a suivie. Une idée, vite… Me mettre sous la protection du libraire? J’y ai songé, mais que dire? J’hésite, regarde quelques magazines, en choisis un, me dirige vers la caisse, et là, le coup de bol qui m’a sauvée la vie: le type n’a pas été assez rapide, un autre client s’est intercalé entre nous. J’ai payé, je suis sortie de la libraire… Et j’ai couru. Je suis championne olympique du 20 mètres enceinte, je vous assure. J’ai couru, parce que ma vie en dépendait. Couru parce que j’avais peur, peur de ce type, peur qu’il me fasse mal. Couru, atteint ma tout petite ruelle, que j’ai remontée sur ses quelques mètres, je me suis engouffrée dans la cour, cachée derrière le mur, j’étais invisible de la rue. Je suis restée longtemps là, comme ça, pour être sûre, avec la peur au ventre, encore, la peur qu'il cherche en se doutant que je ne pouvais pas être loin.... et là, seule, au fond d'une cour..... Mais non, rien.
J'étais sauvée.
Je ne l’ai jamais revu, du moins physiquement. Parce que sinon, je le revois souvent. Avec cette question lancinante: que me serait-il arrivé si je n’avais réussi à m’échapper ce jour-là?
Lorsque j’y pense, je me dis que ce simple fait devrait suffire à me donner envie d’être heureuse, jour après jour. A l’être, tout simplement.
Parce que ce jour-là, j’ai survécu à l'abominable.