Tuesday, November 21, 2006

J'ai survécu

L’histoire que je vais vous raconter est effrayante, j’espère que vous avez le cœur accroché.

Ca se passe il y a 8 ans, quelque part en novembre. J’étais enceinte de 7 mois passés. A l’époque, j’habitais non loin de la gare de Villeneuve Saint Georges, en région parisienne -vous saurez tout. Je remontai l’avenue. Un petit kilomètre à peine, ensuite tourner dans la rue à droite, traverser, encore quelques mètres, plonger dans l’étroite allée qui menait dans un tout petit immeuble dissimulé au fond d’une cour.

Je marchai donc, lorsque j’ai réalisé que j’étais suivie. C’était très clair: j’ai ralenti, il a ralenti. J’ai accéléré, un peu -je vous rappelle mon état de femme très enceinte - il a accéléré. Bon, me dis-je, un mec qui veut me draguer, quand il verra mon ventre, huhu… Parce que de dos, j’ai toujours donné le change lorsque j’étais enceinte, et ma grosse veste de laine m’aidait bien cet hiver là.
D’un coup, le type accélère, me dépasse, j’imagine la tête qu’il va faire lorsqu’il va réaliser que je ne suis pas dragable…

Et soudain, une chute intérieure. Je ne sais pas si ce type s’était déjà aperçu que j’étais enceinte, ce qui était très clair par contre, c’est qu’il me voulait du mal, beaucoup de mal. C’était le regard de la noirceur absolue. Si je tombais entre ses pattes, j’étais cuite.

Je ne devais pas tomber entre ses pattes. Mais que faire? Impossible de piquer un sprint dans mon état. Je ne me voyais pas non plus marcher des heures dans la ville dans l’espoir de lui échapper, d‘autant que j‘avais une grossesse difficile et que je n‘aurais même pas dû sortir ce jour-là. Attendre le père de mon bébé dans le café du coin? L’autre pouvait attendre le temps qu’il fallait pour savoir où j’habitais pour la prochaine fois. Pas de téléphone portable à ce moment là, personne qui serait venu me sauver avec une voiture…

Nous approchions de l’intersection d’avec ma rue. Le type n’essayait même pas de dissimuler ses intentions: il s’est posté au coin de la rue, m’a fixé de son regard de tueur - de tueur, je vous assure, pour savoir quelle direction j’allais prendre. Une idée, je devais trouver une idée, vite… Je suis entrée dans la librairie au coin de la rue. Il m’a suivie. Une idée, vite… Me mettre sous la protection du libraire? J’y ai songé, mais que dire? J’hésite, regarde quelques magazines, en choisis un, me dirige vers la caisse, et là, le coup de bol qui m’a sauvée la vie: le type n’a pas été assez rapide, un autre client s’est intercalé entre nous. J’ai payé, je suis sortie de la libraire… Et j’ai couru. Je suis championne olympique du 20 mètres enceinte, je vous assure. J’ai couru, parce que ma vie en dépendait. Couru parce que j’avais peur, peur de ce type, peur qu’il me fasse mal. Couru, atteint ma tout petite ruelle, que j’ai remontée sur ses quelques mètres, je me suis engouffrée dans la cour, cachée derrière le mur, j’étais invisible de la rue. Je suis restée longtemps là, comme ça, pour être sûre, avec la peur au ventre, encore, la peur qu'il cherche en se doutant que je ne pouvais pas être loin.... et là, seule, au fond d'une cour..... Mais non, rien.
J'étais sauvée.

Je ne l’ai jamais revu, du moins physiquement. Parce que sinon, je le revois souvent. Avec cette question lancinante: que me serait-il arrivé si je n’avais réussi à m’échapper ce jour-là?
Lorsque j’y pense, je me dis que ce simple fait devrait suffire à me donner envie d’être heureuse, jour après jour. A l’être, tout simplement.
Parce que ce jour-là, j’ai survécu à l'abominable.

8 comments:

Anonymous said...

Coeur bien accroché ... Mouais ... Mais la terreur qui reste quelque part tapie , me fait plus que frissoner ... Brrr.
Plein de chauds bisous, Lili , douce bergère, et Un grand , plus jamais ... !

Anonymous said...

Je suis étonné que ça existe des humains méchants comme ça... ça doit être vrai puisque tu le dis, mais j'ai de la difficulté à le croire. Oui, il y a eu Hitler, et pleins d'autres tortionnaires... Je suis bien content d'être un ours.

FD-Labaroline said...

Brr... mais ne te poses pas las question, que se serait-il passé si... ça fait froid dans le dos. Et la prochaine fois que tu es enceinte, ne sors pas seule ;-)

LiliLajeunebergere said...

avanaé, merci ;-)

moukmouk, c'est malheureusement vrai :-( j'aimerais bien être un ours aussi ...

fd, je ne pense pas qu'il y aura une prochaine fois ;-)

Anonymous said...

J'ai connu aussi une attentive d'agression dans la gare de Strasbourg, un samedi matin à 7 h, il y a 6 ans. J'avais observé ce gars sur le quai en face, ses vas et vients, sa mallette et son long manteau en laine noir. C'était tout. Un peu froid, je me réfugie dans une salle d'attente sur mon quai désert. La porte s'ouvre, c'est lui. Il sort son flingue, un automatique. Tout était irréel. Il voulait que je le suive dans un train à l'arrêt. Je l'ai supplié, lui disant qu'il pouvait être content car il me faisait peur au point que je me fasse pipi dessus. Je n'ai pas réfléchi, j'étais sur le quai : soit je le suivais, me faisais violer et sûrement tuer; soit je courrais au risque d'être tuée. J'avais un gros sac-à-dos qui pouvait me protéger. J'ai dévalé l'escalier qui se trouvait à 10 m de nous et j'ai couru dans le couloir. Les flics que je suis allée prévenir ne l'ont pas retrouvé. Un des vigiles était habitué à le voir et pourtant il n'a jamais été arrêté. Je me dis que c'était un légionnaire (coupe rasée, accent des pays de l'Est), qu'il a été "sauvé".
Depuis je ne reste plus sur un quai toute seule et j'évite les voyages de nuit.

Anonymous said...

Il vaut mieux ne pas te poser la question, je crois...même si ce n'est pas facile...

J'ai vécu un peu ça, cousée par un clochard, alors que j'allais travailler, à pied, à 5 mn de chez moi, ...mais à 5H du matin...Après j'ai fait mes 5 mn en voiture, pas écologique, mais pour sauver ma peau...

Anonymous said...

Je sais que ca met la trouille, surtout quand on n'a jamais eu d'experience de bagarre d'ecole, de judo ou autre car on se sent vulnerable... d'autant plus avec une seconde vie sur le ventre.
Mais je me permets le petit com sur les differentes peur.
1la peur quand le chien te mord
2la peur quand le chien enrage te fonce dessus
3la peur quand le chien enrage aboie en te regardant
4la peur quand le chien aboie derriere une barriere
5la peur quand tu vois un chien passer
6la peur quand tu entends un aboiement au loin
7la peur de rencontrer un chien enrage qui pourrait te sauter dessus

et a partir de la 3 l'imagination joue son role, ou pour etre moins abrupte la perception peut etre reconstruite.

LiliLajeunebergere said...

sarah, soeur anne, brrrr, j'en ai froid dans le dos :-(