Miniac-Morvan

Quelques personnes sont arrivées ici en tapant Miniac-Morvan dans un moteur de recherche. Et risquent d'avoir une mauvaise image de ce paisible bourg de Bretagne où j'ai passé de nombreuses vacances d'été. Ce qui est dommage. Voici donc un erratum, il n'est jamais trop tard.

D'abors, nous n'allions pas à Miniac-Morvan même mais dans un des hameaux du village. Une simple route, bordée de maisons en pierres et de fermes. Le matin le coq nous réveillait. Les vaches faisaient meuh. Ca n'a l'air de rien, mais c'est énorme lorsqu'on débarque du bitume citadin. Les vaches faisaient meuh, donc, et donnaient du lait, que nous allions chercher à la ferme avec notre bidon, pour le p'tit dèj du matin.
Mon frère et moi chaussions nos bottes en caouthouc et accompagnions les fermiers pour mener les vaches au pré. Nous nous amusions, petits gamins des villes, à aider les fermiers aux champs. Je me souviens d'une fois où nous avons planté des salades.
Nous jouissions d'une grande liberté, nous pouvions courir d'une ferme à l'autre, nous rouler dans la paille, jouer avec les chiens, les chats et surtout les couvées de chatons - nous avons toujours tenté de soudoyer nos parents pour en ramener un, en vain.
Ce Miniac-Morvan de mon enfance a le goût des cerises que nous cueillions dans les arbres ("dépêchez-vous ou les oiseaux vont tout vous manger!), de l'herbe verte sur laquelle nous prenions notre goûter, des douces soirées où nous regardions les étoiles avec les jumelles.
Miniac-Morvan est dans mon coeur associé à Saint-Malo, à 15 km de là, à sa plage de sable fin, où nous fabriquions des châteaux de sable, aux vagues de la Manche dans lesquelles nous nous précipitions en riant, aux crêpes que nos parents nous offraient dans la vieille ville, au cri des mouettes, au sable qui colle aux pieds encore mouillés, aux joueurs d'accordéon au coin des rues.
Miniac-Morvan, à cette époque où mes parents s'entendaient encore et étaient encore alertes, c'étaient les longues balades à vélo, les visites des musées et monuments divers et variés, les jeux de société les jours où il pleuvait.

C'était le bonheur, quoi.





Puis vint l'adolescence.


De centre du monde des vacances qu'il était auparavant, Miniac-Morvan en est devenu, passez-moi l'expression, le trou des fesses, pas moins.
C'était quoi ce bled pourri où nos parents nous emmenaient comme en pénitence? Où il pleuvait tout le temps (oui d'un coup il s'est mis à pleuvoir tout le temps)? Où y'avait pas un jeune de notre âge à des kilomètres à la ronde? Où tout ce qu'on avait à faire c'était lire, mais on aurait aussi bien pu faire ça dans notre chambre dans notre chez-nous? Nous avions hérité de nos parents le peu d'attirance pour la bronzette sur la plage, et nous avions passé l'âge des chateaux de sable, et puis il fallait être fou pour se baigner dans une eau aussi froide!! Et puis ras le bol des musées et monuments variés, on les avait tous visités, revisités et même rerevisités pour certains. Mes parents avaient veilli, ne se supportaient plus et se disputaient en permanence (ce qui n'a pas changé), notre famille avait beaucoup changé, nous ne nous entendions plus vraiment.

Miniac-Morvan pourrait être n'importe quel trou paumé de n'importe quel coin de France, il est à l'image de la vie: l'insouciant bonheur de l'enfance, la gravité ingrate de l'adolescence.....

J'ai toujours râlé en souvenir du verso, c'est le recto qui a eu le dessus: j'ai emmené mes enfants à Miniac-Morvan. Ils ont découvert les vaches qui font meuh, les tracteurs immenses, les cerises et la mer.

Je trouverai bien un autre trou paumé à leur infliger à l'adolescence.